L’état auquel j’appartiens se nomme poésie. J’habite l’innommable, cet espace indicible où la pensée est absente. À partir de ce lieu, je cherche à connecter les êtres, à révéler des espaces intimes tus, et à ouvrir un dialogue silencieux entre ce qui est visible et ce qui ne l’est pas. Pour moi, c’est ici que nait l’œuvre.
Mon travail creuse les strates sociales, personnelles et intimes qui nous composent. Je les traverse, les déconstruis dans le but de révéler le mystère en nous. Je lutte contre l’hégémonie des conventions, fantasme une mystique de l’être, une puissance animale fondatrice. Mon objectif est de modeler puis dévoiler une identité poétique originelle, un état d’être déconditionné, connecté à une force intérieure authentique, voire sacrée.
Je crée dans une posture hors du temps, laissant émerger ce qui demande à exister, sans analyse préalable. Mes mots, femmes totem, photomontages, incarnent la manifestation visible d’un processus créatif profondément invisible. J’en appelle à un engagement de l’être, à une déconnexion du réel tel que nous l’entendons pour renouer avec une part plus primale et sincère de nous-mêmes.
Mes mots s’affranchissent de leur signification première pour exprimer leur propre mythologie. Dans mon travail visuel, les visages de poupées utilisés pour les femmes totems et ceux des portraits photographiques de mes photomontages sont volontairement arrachés, effacés. La violence de cet acte me permet de déconstruire la représentation générique de l’humain. Je prône la dépossession radicale d’une image préconçue et la reconstruction poétique d’une nature humaine hors norme. Ce positionnement artistique participe à l’émancipation de mes mots, des corps, et contribue à l’émergence d’une œuvre singulière.
Les espaces subtils où l’inconscient opère avant que la pensée rationnelle s’en empare me fascinent. Les entre-mots d’un texte et l’échange imperceptible entre une œuvre et celui qui la regarde font partie de ces lieux sans nom, où un lien intime lecteur ̸ texte, spectateur ̸ œuvre se tisse. C’est dans cet entre-monde où on sait sans savoir que ma pratique artistique s’ancre.